Continuons notre petit voyage à travers l'oeuvre sculptée du Bernin... aujourd'hui les 2 plus célèbres représentations d'extase mystique de l'artiste :
L'extase de Ste Thérèse et la Bienheureuse Ludovica Albertoni.
L'Extase de Sainte Thérèse (1647-1652) - Rome - Sta Maria della Vittoria - Chapelle Cornaro :
Un petit rappel sur Ste Thérèse d'Avila : elle était religieuse carmélite. Elle a vécu au XVIe siècle en Espagne. Elle a souffert d'une santé fragile toute sa vie et c'est vers 43 ans qu'elle a vécu sa première "extase". Ses moments de visions mystiques durèrent 2 ans et demi jusqu'à ce que ses supérieurs lui ordonnent d'y résister.
Elle décrit ces moments dans son autobiographie... Je vous laisse juger
--> "Je voyais dans ses mains une lame d'or, et au bout, il semblait y avoir une flamme.
Il me semblait l'enfoncer plusieurs fois dans mon cœur et atteindre mes entrailles : lorsqu'il le retirait, il me semblait les emporter avec lui, et me laissait toute embrasée d'un grand amour de Dieu.
La douleur était si grande qu'elle m'arrachait des soupirs, et la suavité que me donnait cette très grande douleur, était si excessive qu'on ne pouvait que désirer qu'elle se poursuive (...)
Ce n'est pas une douleur corporelle, mais spirituelle, même si le corps y participe un peu, et même très fort. C'est un échange d'amour si suave qui se passe entre l'âme et Dieu, que moi je supplie sa bonté de le révéler à ceux qui penseraient que je mens…"
Je crois que ce texte parle de lui-même ^^
Revenons à nos moutons... Gian Lorenzo Bernini exécute pour le cardinal Federico Cornaro un ensemble monumental pour célébrer la récente canonisation de Ste Thérèse (1622). Il réalise une scénographie complète. Le groupe sculpté de l'Extase prend place au centre de la chapelle. Il prévoit un éclairage zénithal caché par le fronton de la structure architecturale entourant le groupe sculpté. La lumière se pose directement sur des rayons dorés qui descendent vers l'ange et la sainte.
Le sculpteur réalise également sur les côtés de la chapelle de fausses tribunes à laquelle prennent place des spectateurs de marbre, témoins directs du délire mystique de Ste Thérèse.
On notera bien évidement la délicatesse et l'expressivité du visage de la sainte, paupières mi-closes et bouche entr'ouverte... Le travail du vêtement est également très impressionant sur cette pièce. Les plis et les drapés se superposent et s'emmêlent, enveloppant le corps de Thérèse, le noyant sous leur abondance.
La bienheureuse Ludovica Albertoni (1671-1674) - Rome - San Francesco a Ripa - Chapelle Altieri :
Cette sculpture a été commandée au Bernin par le cardinal Albertoni à l'occasion de la béatification de Ludovica Albertoni en 1671 (morte en 1533).
Orpheline, mariée de force puis veuve à l'âge de l'32 ans, elle décida d'entrer dans les ordres. Elle était connue pour ses extases mystiques et ses lévitations ! Avant même d'être béatifiée par le pape Clément X, il y eut dès sa mort un réel culte autour de sa personne.
20 ans après Ste Thérèse, Bernin se frotte une nouvelle fois à la représentation de l'extase. Les deux religieuses sont figurées de façon quasi-similaire. On retrouve la position de la tête et le développement à outrance des drapés.
Ici pourtant, contrairement à l'exemple précédent, aucun élément divin. La jeune religieuse est étendue sur un lit comme pourrait l'être n'importe quelle femme. Si ce n'étaient les vêtements qui évoquent sa condition, nous pourrions douter du côté "mystique" de son "extase" !
Cette sculpture prend place sur le tombeau de la dame dont les reliques ont été transférées dans l'église San Francesco a Ripa en 1674. C'est une des dernières oeuvres de l'artiste (mort en 1680 à l'âge de 82 ans)...
... à suivre