Petit rappel biographique :
Pierre Puget, sculpteur, peintre et architecte, est né en 1620 et mort en 1694 à Marseille. Il est sans aucun doute l'artiste le plus célèbre de la ville.
Il travailla beaucoup pour sa région et à Gênes où il passa de nombreuses années de sa vie. On lui doit, parmi ses oeuvres les plus connues, le Milon de Crotone en ce qui concerne la sculpture ou la chapelle de la Vieille Charité de Marseille en architecture. Appelé de nombreuses fois par Louis XIV, il ne réalisa que peu de choses pour le Roi. Réputé pour son mauvais caractère et ses exigences démesurées, Pierre Puget est devenu au fil des siècles une figure emblématique de la Provence.
Ce n’est véritablement qu’au 19e siècle qu’est née la « légende » de Pierre Puget, la vision de l’artiste tourmenté en lutte permanente avec les institutions royales. S’il est vrai que Puget était un sculpteur au parcours atypique pour son époque, il n’en était pas pour autant considéré au 17e siècle comme un artiste marginal.
Il a fallu attendre la deuxième moitié du 20e siècle pour que Puget soit réhabilité parmi les grands artistes de son siècle. En 1970 paraît l’imposante monographie de Klaus Herding qui aborde la carrière de sculpteur de Puget, puis en 1978 l’étude de Marie Christine Gloton concernant sa qualité de peintre.
En effet, Puget n’a pas vraiment eu la reconnaissance de la France de son vivant. Etabli loin de Paris, manquant de protecteurs influents depuis la disgrâce de Fouquet, ses productions peu nombreuses ne trouvent pas forcément d’acquéreurs et sa réputation se maintient grâce aux quelques pièces imposantes comme les Atlantes de l’hôtel de ville de Toulon ou celles qui trouvent place à Versailles comme le Milon de Crotone ou Persée et Andromède.
En Italie au contraire, Puget a su se faire une place de choix, notamment à Gênes, où son œuvre sera perpétuée par ses élèves et aura une influence capitale sur la sculpture ligure.
Au 18e siècle pourtant, l’art de Puget intéresse les artistes et amateurs par sa singularité. Quelques années seulement après sa mort, un homme souhaite lui rendre hommage. Il s’agit du père Bougerel qui, en 1752, lui consacre un chapitre dans son Mémoire pour servir à l’Histoire des hommes illustres de Provence.
Il contribue à créer l’image d’un Puget à la forte personnalité, coléreux et sombre. Il appelle Puget le « Michel Ange de la France », certainement en référence à la pratique des trois arts et à l’italianisme du sculpteur français.
Puget est admiré pour sa maîtrise de l’anatomie et son talent à rendre la douleur physique. A une époque où l’expression des passions du corps et de l’esprit est une attente dans le domaine artistique, Puget s’inscrit dans un courant parallèle et exprime avec force le pouvoir du corps et de ses représentations. Même les imperfections de ses sculptures les rendent plus puissantes.
Il a exercé une véritable fascination sur les artistes du 19e siècle, malgré que ses œuvres ne correspondent plus aux canons esthétiques d’alors.
Delacroix disait de l’œuvre de Puget : « Si vous attachez vos yeux sur une des parties comme un bras, une jambe, un torse, aussitôt toute cette force vous gagne, il écrase tout, et vous ne pouvez plus vous en détacher ».
C’est au cours de ce siècle siècle, où l’on reprochera à Puget de ne pas avoir été fidèle à la beauté idéale antique, que vont se multiplier les hommages au sculpteur. Il devient la figure emblématique de son siècle. Des bustes et autres représentations du sculpteur sont mises en place, principalement à Marseille et à Toulon.
D’autres hommages lui sont rendus en peinture avec par exemple la présentation du Milon à Louis XIV par Annicet-Charles-Gabriel Lemonnier ou Eugène Dévéria au plafond de la salle des céramiques anciennes du Louvre.
De nombreux artistes sont sensibles aux compositions de Puget et l’on trouve de nombreux dessins des œuvres du marseillais par, entre autres, Bouchardon, Fragonard, Van Loo et Foucou.
En 1824, une salle Puget est créée au Louvre, où prend place le Milon ramené de Versailles puis, au fur et mesure de l’agrandissement du musée, la création d’un véritable espace où prennent place aujourd’hui les œuvres de l’artiste.
La légende romantique de Puget prend toute sa mesure dans un quatrain de Baudelaire consacré au sculpteur dans son poème Les Phares en 1857. Il écrit :
« Colères de boxeurs, impudences de faunes
Toi qui sut ramasser la beauté des goujats
Grand cœur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune
Puget, mélancolique empereur des forçats »