Au cours de mes recherches, je suis tombée par hasard sur un recueil de provençalismes corrigés pour les écoliers en français "raisonnable" après qu'un préfet local ait souligné au début du XIXe siècle que trop de mots en provençal étaient utilisés à l'école.
Vraisemblablement, des recueils de ce type se sont multipliés entre 1829 et 1880.
Si certaines expressions ne sont plus du tout utilisées aujourd'hui, le plus drôle reste les explications données pour apprendre à parler correctement le français, témoignage d'une lutte sans merci contre les régionalismes linguistiques. La Provence fut l'une des régions les plus résistantes dans ce domaine avec l'action de Frédéric Mistral et la création du félibrige (encore actif aujourd'hui).
C'est aussi en lisant ce genre d'ouvrage que l'on se rend compte que certains mots employés courament en Provence ne sont en fin de compte pas du tout français (je me suis fait avoir sur quelques uns j'avoue)
Petit extrait pour vous donner une idée de cet ouvrage intitulé "Les provencalismes corrigés" (de J.B. Reynier, 1870)
"J'ai envie de t'emplâtrer !
Dites : J'ai envie de te souffleter !
Emplâtrer n'est pas français et un bon emplâtre ne peut guère être donné que par un pharmacien"
"Malon, malonage, maloner
Dites : Carreau, carrelage, carreler (...)
Malon, malonage, ni maloner ne sont français, et moellon que l'on emploie quelquefois pour éviter ce provencalisme ne présente pas le même sens."
"Qué
Dites, selon les circonstances : Hé ! Hé bien ! Quoi ? Que dis-tu ?
Qué est un mot provençal dont on doit absolument s'abstenir en parlant français !"
"Votre enfant patouille dans le ruisseau
Dites : votre enfant patrouille dans le ruisseau.
Patouiller n'est pas français, mais un r de plus seulement fait ici toute la différence du provençal au français"
(J'émets ici une réserve...
patouiller et patrouiller ne veut pas dire du tout la même chose !)
Enfin, une qui m'a fait bien rire
"Cet homme est un cochon, cette femme est une cochonne
Dites : Cet homme est malpropre, cette femme est malpropre
Cochon comme adjectif n'est pas français, et cochonne par conséquent, qui serait le prétendu féminin de cet adjectif, encore moins"
Ouais... sauf que si c'est une cochonne, c'est une cochonne...